Port-Réal ; An 299, post-évasion de Jaime ♛ Au matin, le donjon rouge avait reçu un nouveau corbeau en provenance du camp tenu par Tywin Lannister. Cette missive avait été placée entre les mains de Cersei qui, après y avoir jeter un bref coup d’œil, avait stratégiquement décidé de ne pas l’ouvrir avant une réunion du conseil restreint. Après tout, quoi que le parchemin ne puisse contenir n’aurait strictement rien de sentimentale – Encore moins si la missive avait été rédigée de la main même de Tywin -. Malgré tout cela, la blonde n’avait plus de raisons actuelles d’éviter de lire la missive. Elle pouvait déjà s’imaginer le contenu, les lettres rondes d’un quelconque scripte couvrant la page de mots méticuleusement dictés par un des membres des Lannister présent au campement - Pas de changement, les plans du camps de Robb Stark ont avancés grâce à des espions envoyés pour infiltrer les rangs du jeune loup, toujours pas de nouvelles de Jaime. On frappa à sa porte.

« Entrez. » L’ordre était sec et Cersei ne se tourna que brièvement vers l’un des homme gardant le palais et venant de se glisser à l’intérieur de la pièce.  
« Votre Majesté ? » D’un hochement de la tête, la blonde lui donna la permission de parler. « Majesté, il semblerait qu’un homme se trouvant aux portes du Donjon Rouge prétende être votre frère. » Tyrion ? La blonde arqua un de ses sourcils – Peu d’humeur à accorder de son temps au garde, à un imposteur prétendant être son frère, ou à Tyrion lui-même. « Et bien, il semble pourtant très simple de vérifier cette théorie. Est-il d’une grandeur si peu avancée qu’il ne peut donc être qualifié d’homme ? »
« Non, votre Majesté. Cet homme affirme être votre autre frère, Ser Jaime. »

Jaime. L’espace de quelques secondes, le nom retombe dans le silence – Comme si elle ne le comprenait pas, qu’il représentait quelque chose de lointain et d’inconnu. Et puis, derrière son visage de glace, la blonde se trouva parfaitement incapable de savoir ce qu’elle ressentait – De la joie, sans doute ; la peur indubitable que cela soit un imposteur ; du soulagement, son retour pouvait potentiellement changer tant de choses, il n’y aurait plus besoin de tenter de négocier avec qui que ce soit ; et puis, il y avait ce manque viscérale qu’elle avait repoussé chaque jour au fond de son esprit, pour s’empêcher de ressentir quoi que ce soit. La reine se leva, marcha jusqu’à la porte et sortit de la pièce, le garde sur les talons. « Puisqu’il semble que ce soit une affaire suffisamment importante pour la faire parvenir jusqu’à moi, j’espère grandement que je ne serais pas face à une déception. » C’était une menace, plus qu’autre chose. D’un geste vif de la main, elle ordonna au chevalier de la Garde Royale de ne pas bouger de son poste devant la bibliothèque, alors que le garde la menait jusqu’aux portes. S’il s’agissait vraiment de Jaime, elle n’aurait point besoin de preuve de son propre pouvoir, de sa propre valeur. En voyant l’homme en question, la blonde se figea sur place.

C’était bien lui. Ses traits semblaient changés par les traitements probablement  indigne de son rang qu’il avait dû subir, ses cheveux paraissaient plus foncés – Mais c’était lui. Jaime. Son Jaime…

A défaut de trouver les mots, Cersei resserra les dents dans un rictus résigné – Il était affreusement difficile d’exprimer oralement tout ce qu’elle ressentait, d’autant plus qu’elle n’était pas certaine que laisser sous-entendre qu’il s’agissait bien de Jaime aurait des conséquences directes sur ce que le monde savait. Cersei n’était pas certaine que proclamer haut et fort le retour de son frère en cet instant-même soit totalement dans ses intérêts. Elle n’était pas non plus certaine de ce qu’elle devait penser de son état, de ce que cela révélait de lui – mais aussi principalement d’elle -. Cersei n’était pas sûre de comprendre l’entièreté des implications de la présence de Jaime, pas sûre que cela lui soit – ou non – favorable. Elle n’était, en somme, certaine d’absolument rien – un comble, pour une reine – et bien que cela la frustrait, l’invariable fait que Jaime était là ne pouvait être dénuée de soulagement. Alors, elle jeta un regard froid au garde l’ayant conduite ici, sans tenir compte des autres. « Puisqu’il semblerait que quelqu’un se donne autant de mal pour prétendre être mon frère, la moindre des choses serait que je lui accorde une audience. Escortez-nous. » Sa voix ne laissait aucune place à la contradiction et, de ce fait, elle tourna vivement les talons, se dirigeant vers la pièce d’où elle provenait – la bibliothèque. « Laissez-nous. » Finit-elle par ordonner au garde, une fois arrivés à destination, avant de se tourner vers le chevalier toujours posté devant la porte de la pièce. « Postez-vous devant la porte et ne laissez personne à l’exception du Roi la franchir. » Les consignes étaient claires. Elle attendit que le garde ne parte avant de se rendre compte d’à quel point elle s’était retenue de trembler. 

« C’est bien toi. » Sa voix n’était qu’un murmure rauque, juste suffisamment fort pour pouvoir être entendu et pour la première fois depuis bien trop longtemps le regard vert émeraude de Cersei se plongea dans une paire d’yeux identique à la sienne. Sa main se releva imperceptiblement, comme pour aller jusqu’au visage de son frère, mais elle se retînt en plein milieu de son geste, laissant son bras retombé et s’appuyant contre la table. Elle ne pouvait pas risquer un quelconque contact physique – Pas encore, pas tant que tout ceci semblait trop irréel pour être réalité et qu’elle pouvait encore se raccrocher à sa propre incertitude. Il y avait trop de questions, de détails, qu’elle se devait de poser avant de pouvoir définir et tenir en compte ses propres sentiments. « Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? Comment as-tu réussi à revenir ici ? » 

 Port-Réal ; An 299, post-évasion de Jaime ♛ Il y avait quelque chose d’immensément choquant et impensable au fait de voir Jaime comme cela, de toute évidence affaiblit par la fatigue, la malnutrition et le chemin qu’il avait dû parcourir pour revenir jusqu’à Port-Réal – Jusqu’à elle, remarqua la blonde, l’espace d’un instant. Peut-être pouvait-il y avoir une quelconque logique sous ses actes. Après tout, Jaime ne pouvait revenir à Port-Réal en tant que membre de la garde royale, pas dans son état, quand bien même il lui serait pardonné. Ce n’était pas un membre de la garde royale qui était parti assiéger Vivesaigues, mais un Lannister en plus d’un chevalier. Non. Si Tywin l’avait libéré, ne serait-ce pas lui auprès de qui Jaime serait attendu, pour un long compte rendu rempli à outrance de détails, de remarques pouvant aider une quelconque stratégie face aux armées de Robb Stark ? Les sourcils de la blonde se froncèrent légèrement, les lignes se creusant légèrement sur son front étant signe de sa propre inquiétude. Jaime n’était de toute évidence ici ni en tant que chevalier de la Garde Royale, ni en tant que Lannister. Il était là pour elle. Cet homme – ce Jaime qui pourtant semblait à milles lieux du Jaime qui était parti confronter Eddard Stark, qui lui avait assuré qu’elle n’avait pas à s’inquiéter – était là pour elle, et une partie de Cersei ne pouvait que se souvenir de toutes ces fois où, durant son absence, elle s’était retrouvé à faire tout ce qui était en son pouvoir pour qu’une situation comme celle-ci arrive.

Elle ne se l’était pas imaginer comme cela – son retour. Elle s’était imaginé quelque chose de glorieux, leur père menant la marche sur un cheval immense et Jaime derrière lui – brillant dans son armure -, lui annonçant qu’enfin -enfin- le Nord ne serait plus un problème, que la rébellion de Robb Stark devait à présent être considérée comme un lointain souvenir. Toute autre spéculation sur les conditions du retour de son jumeau n’avait été que des variations du même thème, le mêlant à un idéal de gloire, d’honneur, de force et de pouvoir comme pour prouver que, malgré son emprisonnement, rien n’avait changé. Le Jaime qui se tenait devant elle était bien loin de tout ce que la Reine avait pu imaginer et cela en voulait dire tout autant sur elle, sur lui et sur leur père. Par-dessus tout, il y avait le fait qu’elle avait irrémédiablement échoué – Elle avait été incapable de le libérer, d’échanger sa vie contre la pathétique existence d’un des Stark lorsqu’elle disposait encore d’un choix non-négligeable en la matière de qui échanger. Elle avait échoué et il était là – quand même, malgré tout, malgré l’horrible sensation que Cersei avait au plus profond d’elle-même que plus rien ne serait comme avant. « Oh, Jaime… » Le soupire était ampli de plus d’émotions qu’elle ne l’aurait voulu, rompant diamétralement avec ses propres inquiétudes, ses propres pensées. « J'ai eu tellement peur - Tellement peur que les Starks ne m'envoient que ta tête. » Cela aurait probablement été une juste vengeance, pensa-t-elle amèrement, et c'était probablement ce qu'il y avait de pire. S’éloignant de la table, Cersei se rapprocha de là où son frère était assis et laissa son regard inspecter la coupure qu’il avait au niveau du front comme pour décider de si cela allait laisser une cicatrice. « Il faut que tu ailles voir Mestre Pycelle pour soigner tes blessures. Et puis, tu devras te trouver d’autres habits et te laver – cela va de soi. Il me semble que la plupart de tes effets personnels sont toujours dans les quartiers de la Garde. » Dans tout le cas, Cersei ne les aurait pas fait déplacer.

Parler de choses aussi mondaines semblait bien plus facile, bien plus logique que de se laisser de nouveau aller à penser. C’était dans le mondain, le facile, le banal que Cersei savait qu’elle pouvait avoir le plus de contrôle sur une situation qu’elle n’était pas certaine de comprendre dans son entièreté. Puisque Jaime était là, avec elle, la blonde aurait logiquement dû se sentir soulagée – Cela supposait que Robb avait au moins perdu le seul moyen de pression, le seul otage qu’il possédait. Il ne pouvait plus que les atteindre grâce à son armée – Une armée dont Tywin s’occupait. Savoir tout cela n’était pourtant d’aucune aide lorsqu’il s’agissait d’accepter l’état dans lequel Jaime lui était revenu. Penser à cela, par contre, serait bien trop s’éloigner du facile, banal et mondain sur lequel Cersei tentait de se concentrer à l’instant présent pour conserver une certaine logique et clarté d’esprit qu’elle n’était plus complètement certaine d’avoir. « Il faudra aussi que tu écrives à père – Le moindre détail que tu puisses avoir sur Robb Stark et son armée serait susceptible de l’intéresser. » Et peut-être cela voudrait dire que Tywin ordonnerait à Jaime de le rejoindre à nouveau sur les champs de batailles – L’idée en elle-même semblait impensable, presque cruelle, mais la blonde savait pertinemment qu’il s’agissait d’une tâche à laquelle pas même la Reine de Westeros pourrait s’opposer, compte tenu de la précarité de la situation actuelle – Elle avait bien trop besoin de pouvoir et de légitimité pour pouvoir s’opposer aux demandes de son père. Il y a au moins un an, elle n’aurait jamais pensé que ces notions pourraient potentiellement autant dépendre de - et aller à l’encontre de – sa relation avec Jaime.

Délicatement, la blonde passa le bout de ses doigts au-dessous de la coupure au front de Jaime, comme si elle l’inspectait encore. Ses traits étaient toujours tirés – tant par l’inquiétude que par ses propres réflexions -, mais l’air son air surpris – frustré – se radoucit sensiblement. « Tu resteras à Port-Réal, en attendant une quelconque contre-indication. » Elle n’annonçait en soit rien de nouveau, rien à quoi Jaime ne s’attendrait pas, mais il s’agissait de Cersei – Et si Cersei Lannister savait manipuler et jouer avec les sentiments, il était tout autre chose de les exprimer. Elle le voulait ici, voulait qu’il retrouve sa place parmi le nouvel équilibre qui régnait depuis que Joffrey était devenu Roi. Ils devraient parler de cela aussi, d’ailleurs - De Joffrey, et du fait que Jaime devrait probablement lui prêter officiellement allégeance. Cela pouvait cependant attendre – Attendre que la rébellion des Stark ne soit qu’un lointain souvenir, que Renly et Stannis Barathéon ne se perdent dans leur propre quête pour le Trône de Fer, que leurs ennemis soient moins nombreux et comptent leurs pertes. Sa main retomba contre son corps, traçant les contours du visage de Jaime, et elle le considéra quelques instants en silence. Pour l’instant, le retour de Jaime Lannister – peu importait qu’il ne soit pas victorieux – devait être présenté comme une victoire, un bénéfice au peuple. Il se devait d’être une force pour elle – Elle espérait qu’il le savait ou, alternativement, qu’elle n’aurait pas à être celle qui devrait le lui dire. Il pourrait tellement facilement être sa perte que parfois, parfois, cela terrifiait Cersei - Au point que lui ordonner de la laisser pouvait presque sembler une alternative plus sûre que la chaleur et l'abandon de soi que signifiait sa présence. Ce qu’il y avait de bien avec le banal, le facile et le mondain, c’était que grâce à eux, elle en avait oublié d'avoir peur.

Seulement, tout bénéfice a un coût, une fin –   « Eddard Stark savait. » ce qu’il y a entre nous était implicite.