Ce ne seront jamais ces beautés de vignettes, Produits avariés, nés d’un siècle vaurien, Ces pieds à brodequins, ces doigts à castagnettes, Qui sauront satisfaire un cœur comme le mien. (Idéal @ Baudelaire)
I don't want to become a lady
L’eau glacée m’éclaboussait le visage, débarbouillant ainsi la sueur de l’effort qui s’était agglutinée de son reflet miroitant sur mon visage palot. Quelques jets audacieux se faufilèrent dans mes narines et ma bouche entrouverte, m’arrachant quelques frissons de bien- être. Après ce petit rafraîchissement, je redressai l’échine pour m’essuyer le museau trempé du bout de la manche déjà froissée de ma robe bleu pâle. Malgré le temps sec et rayonnant qui sévissait depuis quelques jours, les pans de ma robe étaient clairsemés de tâches de boue séchée. A force de me rouler dans l’herbe et m’agenouiller à même la berge, je ne m’étonnais pas de retrouver cette robe du quotidien en si piteux état. Septa Mordane me ferait moi-même laver cet habit à même la brosse si elle me voyait ainsi. D’ailleurs, à cette heure, je devrais être en train de suivre des leçons de couture avec Sansa et la vieille bique, mais je n’avais pas le cœur à la besogne. Quand il s’agissait des leçons d’histoire ou de la politique, je ne rechignais pas à la tâche car le sujet m’intéressait…mais la couture et les bonnes manières n’étaient point mon fort. Surtout après avoir mise la vieille gouvernante en colère. De quoi vous retrousser les narines et vous faire courir au triple galop. C’est pourquoi, après une violente altercation avec l’adulte, j’avais pris mes jambes à mon cou pour me terrer non pas dans ma chambre mais loin du château. Là où personne ne viendrait me sermonner. Lâche ? Un peu sur le coup. D’humeur morose depuis ce matin, je ne m’étais pas sentie le cœur à me lancer dans une joute verbale avec mon aînée. Aussi m’étais-je instinctivement dirigée hors du château pour goûter à la morsure délicieuse de la nature. Les senteurs naturelles emplissaient l’air dans un délicieux cocktail. Je m’en imprégnais tel un loup abandonné aux bras de mère nature. D’ailleurs, Nymeria rôdait non loin de moi, à l’affût du moindre danger mais toute excitée de renifler les odeurs pétillantes des bois.
Je ne saurai dire combien de temps nous restâmes au cœur des arbres, à errer tels des voyageurs sans but, mais le soleil s’appliquait déjà à baisser sa lumière safranée quand nous quittions la lisière pour nous diriger d'un pas tranquille vers le château. Le soir tirait son rideau de noirceur tout à l’Est, désireux de nous engloutir de son obscurité inquiétante. Quoique, cette journée annonçait une nuit étoilée. Une nuit comme je les appréciai. Néanmoins, c’est le ventre noué que je pénétrai dans le château, un peu inquiète à l’idée de ce qui m’attendait à mon retour. Serais-ce Septa Mordane qui m’accueillerait les bras croisés une fois les portes du château passées ? Ou pire, mère ? J’escomptais, dans un élan d’espoir, me faire oublier en restant cloîtrée dans ma chambre toute la soirée. Un espoir sûrement vain, mais je ne perdais rien à rêver de manière si utopique. Mais j’avais bien raison de m’inquiéter car lorsque, après m’être faufilée dans le dédale de couloirs, je rejoignis ma chambre à pas de velours, je ne pus retenir un hoquet de surprise en y découvrant une silhouette bien familière. Ressentant mon humeur brumeuse, ma louve vint frotter son museau sous la paume de ma main pour me rassurer de la situation. Oh oui, elle connaissait bien la personne qui était assise sur mon lit, alors elle ne jugeait pas la situation dangereuse. De sa stature droite et fière, telle une vraie lady, mère semblait m’attendre depuis un petit moment dans mon havre. Je me mordillai nerveusement la lèvre inférieure en osant un pas dans ma chambre. Allez, du courage Arya ! Les mains jointes derrière le dos, l’échine légèrement courbée sous le poids de l’embarras, j’osais un « Mère… » d’une voix timide et penaude.
Ce n'était rien qu'une journée de plus, durant la quelle les choses se passaient comme elles se passaient toujours. Ned épuisé par une dure journée se receuillait dans le bois sacré, tandis que Robb, le batard et Thèon s'occupaient des enfants et que Sansa en compagnie d'Arya suivait ses leçons de couture. Ou plutot que Sansa.... Avait une fois de plus suivi ses leçons de couture sans la plus jeune de nos filles. Septa Mordane était venue se plaindre aussitot la leçon terminée, de l'absence d'Arya, partie trainer on ne sait où. Ser Jory l'avait cherché dans sa chambre, ainsi que dans les alentours, mais nulle trace d'elle n'avait été trouvée. Non seulement je m'étais fais un sang d'encre, mais une monstrueuse colère m'était montée, tant et si bien que Jon avait encore fait les frais de mes froides reflexions. Pas fichu de trouver ma fille. Il ne servait vraiment pas à grand chose. Mon coeur se serra en pensant à ma petite Arya, alors que le soleil décroissait. Elle était la, dehors, à la merci de la nature, et des sauvageons qui s'approchaient de plus en plus de Winterfell. Elle...
Je faisais les mille pas dans sa chambre, attendant son retour, car si ce n'était qu'une fugue d'un jour, elle reviendrait. Je connaissais ma fille. Moi même à son age, il m'arrivait de partir quelques heures sans prévenir personne. Mais c'était un autre temps, un autre lieu, et on me retrouvait bien souvent les pieds trempant dans les courants de la Ruffurque à coté de vieux pécheurs qui veillaient sur moi. Ici, il n'y'avait que les bois inhospitaliers, et un peu plus au nord, des étendues de neiges.
Les bruits de la porte s'ouvrant me firent avoir un haut le coeur et je m'attendais presque à ce que nos soldats reviennent avec elle, mais non, les pas étaient plus légers, solitaires, et alors qu'elle ouvrit la porte elle pu me voir, droite et fière sur son lit, l'attendant les bras croisés. Timide et penaude, elle me regardait, et je reprimais un léger sourire. « Arya. Et où étais tu donc jeune fille ? » Le soulagement se battait avec les reprimandes dans ma tête, et sa reponse determinerait surement la punition ou non.
Ce ne seront jamais ces beautés de vignettes, Produits avariés, nés d’un siècle vaurien, Ces pieds à brodequins, ces doigts à castagnettes, Qui sauront satisfaire un cœur comme le mien. (Idéal @ Baudelaire)
I don't want to become a lady
Assise sur son lit, lady Stark me scrutait de son regard inquisiteur et perçant. Je réprimai l’envie de chercher secours auprès de ma louve qui me délaissa pour aller s’allonger à quelques pas du lit, comme pour m’intimer à prendre mon courage à deux mains et affronter mère louve sans peur. Boudant cette pseudo-traîtrise, je me retournai vers mère non sans grignoter les rebords de ma lèvre supérieure sous le coup d’une nervosité croissante. Je n’étais pas dupe. Une punition serait de mise pour m’être comportée aussi honteusement et bien que je ne sache pas encore ce qui m’attendait, cette correction ne suffirait pas à me changer. Peut-être l’espace de quelques jours, le temps de laisser l’histoire se tasser. Devoir porter un masque et me plier à un personnage qui ne me correspondais pas était loin d’être un plaisir affriolant. Mais parfois, je n’avais guère le choix. ‘Le devoir d’une lady’ ne cessait de répéter Septa Mordane à longueur de journée. Mais je ne voulais pas l’être…pourquoi ne me laissaient-ils tous pas tranquille ? *Si seulement j’étais un garçon* Ils me laisseraient alors m’entraîner avec mes frères, ne me sermonneraient pas pour avoir été me salir dans la forêt ni me punir pour avoir tapé du poing sur la table. * Ce n’est pas juste…* Mais la vie était ainsi faite et je ne pouvais pas la changer. J’étais condamnée à être enfermée dans ce petit corps fragile et chétif.
La voix de mère m’extirpa de mes sombres pensées. Douce voix néanmoins froide et qui annonçait une sanction évidente. Retroussant mes babines l’espace d’une seconde afin d'’humecter mes lèvres, je pesais le pour et le contre, pour finalement entrouvrir mes lèvres et délivrer une réponse claire et concise d’une petite voix. « J’étais dans la forêt… »lâchai-je non sans me triturer les doigts derrière mon dos et me dandinant d’avant en arrière, nerveuse. « Avec Nymeria… »ajoutai-je afin d’essayer de rassurer mère sur les risques que j’encourrai à me promener hors du château, à moins d’être accompagnée par ma louve. Plus d’une fois, l’imposant canidé s’était montré redoutable lors d’une agression…des rares fois où j’ai piqué du nez sur un groupe de brigands. Mais revenons à nos moutons. Enfin, nos problèmes. Je ne doutais pas que la vieille bique était venue rapporter mon comportement auprès de mère. Suite à cela, lady Stark avait du venir ici pour me remonter les bretelles. Sûrement. J’attendais ainsi le verdict de ma conduite non bienséante.
Arya, petite Arya… Il ne se passait pas un jour sans que Septa Mordane ne vienne se plaindre d'elle. Elle était trop vive, trop garçonne, elle embêtait sa soeur, se montrait irrespectueuse, essayait de participer aux entrainements des garçons, et surtout, elle n'en faisait qu'a sa tête. Ma plus jeune fille était une vrai plaie pour les gens qui essayaient de s'occuper d'elle et d'en faire une Lady, et au fond de moi, je me surprenais à être fière d'elle. Oui. Mais au fond, très profond. Car il était un âge où il fallait arrêter l'égoïsme, et devenir ce que l'on attendait de nous. Je n'avais que 12 ans quand j'avais été fiancée à Brandon Stark, et j'en avais six de plus quand j'avais épousé Eddard; mais déjà à 12 ans j'avais compris le rôle d'une femme, j'avais compris ce que mon père attendait de moi et ce qu'il avait besoin que je fasse, même si cela justifiait qu'il se sépare de ma présence et que j'arrête de parcourir le Conflans avec lui. Les devoirs et l'honneur d'une Lady étaient plus importants que les envies fugaces d'une jeune fille. Voila ce qu'Arya devait comprendre et c'était bien pour cela aussi que je la punirais. Pour cela, et pour l'inquiétude qu'elle nous causait.
Cependant, elle semblait… repentie - bien que soyons honnêtes nous savions elle et moi, que son repentir n'était qu'une façade et que tel Bran' me promettant de ne plus jamais escalader, si elle me promettait de ne plus le faire, ça ne serait qu'un mensonge dans le vent - … et je n'avais pas le coeur à sévir de suite, ne serait-ce que parce que je m'étais déjà trop inquiétée.
Arya avait donc passé sa journée dans la forêt avec sa louve, qui d'ailleurs venait de se coucher non loin de moi à coté du lit. L'amour des loups pour mes enfants et de mes enfants pour les loups me rassurait vraiment, et ma fille, mon intelligente petite fille, devait bien savoir que rajouter qu'elle était avec Nymeria calmerait certaines de mes craintes. Pourtant, ça ne calmait pas grand chose finalement. « Septa Mordane est venu me rapporter ton absence d'aujourd'hui. Des soldats de ton père ont delaissés leurs fonctions pour te chercher, tes frères, ton père et moi même étions fou d'inquiétude. » Bien sur, ce n'était pas la première fois qu'elle faisait ça. Mais elle vieillissait et l'hiver arrivait, il fallait qu'elle se mette en tête qu'elle ne serait pas toujours aussi libre. Je soupirais et me levais pour lui faire face. « Tu ne pourra pas rester une enfant indéfiniment tu sais. » Peut être allait elle réagir, plaider sa cause ? Ou peut être resterait elle silencieuse. Elle serait en tout cas probablement punie, et elle le mériterait. Mais nous savions bien que ça ne changerait rien à ses actes. Et pourtant, il fallait qu'elle comprenne, qu'elle commence à agir en Femme et non en Enfant.
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Lun 8 Juil - 17:51
